Lundi soir il est venu avec son cours de yoga.
Lundi soir, moi je suis venue avec mes positions…
(Soupirs….)
Il est 20 heures 30. Les enfants sont couchés. La maison à
peine rangée, il faut trouver la force de se changer en des vêtements plus
confortables, prendre la voiture et se rendre au complexe sportif. Mais par le
froid et la lenteur des mois d’hiver, trouver la motivation d’y aller est
franchement rude. La nuit est tombée. Le cours va commencer. Il faut y aller.
Les cours aux horaires d’avant sont renforcement musculaire,
abdo-fessiers, LIA… Moi je n’aime que le yoga…Détente le premier soir de la
semaine. Histoire de bien aborder le reste qui doit encore arriver.
Imaginez-vous une salle de danse avec un mur de beaux miroirs,
un beau parquet.
Au milieu du mur de miroirs il y a une lampe ronde, posée
par terre, ampoule face aux miroirs, qui diffuse de la lumière tamisée. La
couleur de la lumière dépend de l’humeur de Vladimir, notre professeur de yoga…
C’est souvent du rose….
Tout comme ma femme de ménage, Vladimir mériterait un
billet à lui tout seul, mais là n’est pas le sujet.
A côté de la boule lumineuse, il y a un lecteur de CD. Lui nous
enchante avec de la musique yogi. Zen. Enfin, tout est relatif. Encore faut-il
pouvoir supporter cette musique pseudo relaxante. Je vous avoue qu’à mes débuts
au cours de yoga, la musique me faisait horreur. (Comment vous dire… horreur,
peur,…aaaahhhh, l’angoisse cette musique !). Je ne pouvais absolument pas
du tout me concentrer sur les positions et l’acquisition de la respiration
tellement je trouvais la musique nuisible à ma zen attitude. Bah oui, il faut
aimer le didgeridoo accompagné de gargarisassions bi-syllabiques, les mantras,
le gong qui sort de nulle part et d’un coup le petit rouge gorge qui vient chanter
son petit cuicui répétitifs limite angoissant…
Tout ca pendant que Vladimir, se tord retord et se développe
à l’envers, en appuis sur le coup avec les pieds à l’opposé de la tête et de
ses mains. Je n’ai pas compris… Comment on arrive à l’envers ? « Vous
pouvez baissez la musique ? Allumez la lumière qu’on voit un peu ce qu’il
fait le Monsieur ? »
Heureusement que cela n’est pas le début du cours ! Lorsqu’on
arrive, il faut faire des échauffements. J’adore les échauffements. On est
allongé sur le dos. Les bras en croix. Et on tire un a un tous les muscles du
corps pour les éveiller. Qu’est ce que ca fait du bien ! De cette
manière, une fois par semaine, on prend conscience des muscles dont on ignorait
l’existence…Pour ce faire, Vladimir nous susurre les noms des muscles que l’on
doit étirer… au fur et à mesure. On démarre toujours avec la tête, les bras
etc… jusqu'à la pointe des pieds. C’est un vrai cours d’anatomie le yoga… Vladimir :
voix OFF, grave, limite baryton, dit sur le rythme lent des
gargarisassions bi-syllabiques: « ééééétireeeeeez les ischio-jambiers ».
Tout le monde semble pouvoir/savoir le faire. La musique zen du CD est
maintenant accompagnée de respirations profondes, limites animales provenant de
tous les coins de la salle.
Moi je suis déjà assise : les jambes tendues, les bras
les longs du corps et ma tête en girouette : Qui me montre où sont les ischio-jambiers ?
J’ai pas compris ce qu’il a dit le Monsieur….mais je ne dis rien bien sûr, trop
honte de déranger le cours et aussi de dire aux autres que je ne sais pas les
étirer mes ischio-jambiers !
Ensuite on passe aux différentes positions que Vladimir a
spécialement concoctées pour nous. Et là ce n’est pas du gâteau ! Les
positions peuvent être vraiment très douloureuses. Très compliquées à réaliser.
Celles que je déteste vraiment c’est celle de la chandelle. Lorsqu’on monte les
pieds à la verticales au dessus de la tête et que tout le poids de notre corps
repose sur les cervicales. Là moi je dis AIIIIEEE. En général, j’essaie. Je
fais vraiment de mon mieux. J’y vais. Je m’y mets en chandelle…..Ouf, c’est
lourd ! Alors on reste d’abord très, trop longtemps comme cela, histoire
que tout le sang de l’intégralité de la longueur des jambes et du reste du
corps descende bien à la tête. Les jambes sont alors
très lourdes et cette position devient un réel calvaire...
Mais…voix OFF de Vladimir : « Et lentement faites
basculer vos pieds looiin derrière votre tête. Jambes tendues, pieds
flèèèxxxes. » Moi, au bout de 2 minutes sans bouger à écouter le
didgeridoo se battre en duel avec le rouge gorge… à essayer de ne pas me mordre
la langue en respirant parce que j’ai le visage écrasé par le reste de mon
corps…. Je me rassois. Et comme je me suis fait super mal, je commence déjà les
étirements de la fin du cours. Je m’assois sur mes genoux et je fais ce que
j’appelle l’œuf. Oui parce qu’à part mes positions, j’ai aussi mon
vocabulaire yoga… J’avoue, je n’ai pas la capacité de retenir ni des routines,
ni des noms quand je suis à l’envers… mon cerveau n’enregistre rien d’autre que
la bizarrerie de la position corporelle. Franchement, me demander en plus de
mémoriser des noms trop étranges, là moi je dis STOP ! Bref, je suis
recroquevillée sur moi-même et j’étire mes bras loin devant… C’est en général juste
à ces moments que Vladimir se lève et marche lentement entre les participants au
cours. Il les replace, les encourage, leur explique la position si ils ne la
tiennent pas…Et moi je fais…l’OEUF….Vladimir me regarde, s’étonne, ne
dit…. Rien… et passe son chemin… Et bien oui, imaginez-vous une salle remplie
avec des corps à l’envers… et au milieu, un œuf… Ca doit faire étrange
quand même. Je ne sais jamais si je dois pleurer de honte ou justement
m’écrouler de rire. J’ai plus souvent très envie de rigoler...
Il y a eu des cours durant lesquels je n’ai tenu que la
moitié des postures. Alors soit je suis restée assise dans la position de
budha, soit j’ai fait des positions qui me plaisent et me font du bien. Et puis
cela n’est pas très important. L’essentiel c’est de participer non ?
22 heures. Le gardien du complexe sportif rentre en trombe
dans notre salle si endormie par les positions relaxantes du stretching final
(là je participe à toutes les positions, j’adore le stretching, c’est mon truc
ca… !). L’heure est passée, plus ou
moins rapidement selon le nombre de posture que j’ai réussi à tenir. Le gardien
n’attend pas. L’heure c’est l’heure. Il allume la lumière et nous invite
cordialement à rejoindre les vestiaires. Il ferme les volets avec un bruit
assourdissant. Et Vladimir perd ses repères.
Voix ON : quoi c’est l’heure ? Voix OFF :
merciiiiiiii….
Nous l’applaudissons. Et le saluons en espérant se retrouver
la semaine prochaine.
22 heures 30. Je suis à la maison. Je ne peux plus bouger.
Je suis aussi lourde que lorsque j’ai les pieds en l’air vidés de leur sang. Je
m’allonge, limite toute habillée… et je m’endors lourdement sûre de me réveiller
dans la même position !!!